Déclaration
Résumé
M. EMMANUEL MACRON, Président de la France, qui s’exprimait pour la première fois devant l’Assemblée générale, a déclaré qu’il « savait à qui il devait » cet honneur, citant « ceux qui s’étaient, il y a 70 ans, levés contre un régime barbare qui s’était emparé de la France », les « nations qui ont entendu le cri des résistants et envoyé, d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie, d’Asie, à leur secours, leurs filles et leurs filles ».
Ceux-là, a ajouté M. Macron « ne savaient pas ce qu’était la France, mais savaient que la défaite de la France était aussi celle d’idéaux qu’ils partageaient ». Il a aussi rendu hommage à tous ceux qui, après la guerre, ont « osé la réconciliation » et reconstruit un nouvel ordre international, à l’image du Français René Cassin, jugé les coupables, recueilli les victimes et réparé les fautes.
Rappelant « les valeurs de tolérance, de liberté et d’humanité qui sont fondatrices des Nations Unies », M. Macron a estimé que, si la France « possède aujourd’hui dans l’ordre des nations une place un peu particulière », elle a aussi « une dette à l’égard de tous ceux qu’on a privés de leur voix ». C’est en nommant un de ces « sans-voix » que le Président français a ensuite présenté chacune des parties de son discours.
Au nom de Bana, « citoyenne d’Alep », M. Macron a déclaré que le peuple syrien avait assez souffert pour que la communauté internationale « prenne acte d’un échec collectif et s’interroge sur ses méthodes ».
Il a mis en avant l’urgence d’un règlement politique de la crise, comme le demande la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité et a souhaité que puisse être lancé un groupe de contact comprenant « tous les membres permanents du Conseil de sécurité et l’ensemble des parties prenantes », le format du processus d’Astana lui apparaissant utile mais insuffisant.
À cet égard, M. Macron a rappelé les deux « lignes rouges » de son pays. La France, a-t-il affirmé, sera d’une « intransigeance absolue » sur l’emploi d’armes chimiques et exigera que les auteurs de l’attaque chimique du 4 avril 2017 soient traduits devant la justice internationale.
En outre, elle a décidé de faire une priorité de sa prochaine présidence du Conseil de sécurité, en octobre, la question des attaques contre les hôpitaux et le personnel humanitaire.
Agir pour la paix en Syrie, c’est agir pour le peuple syrien mais c’est aussi se protéger contre le terrorisme, a poursuivi M. Macron, qui a rappelé que, en Syrie comme en Iraq, « c’est contre le terrorisme que nous nous battons ».
Dans ce domaine, le Président a rappelé les initiatives portées par la France pour lutter contre l’utilisation d’Internet par les terroristes et contre leurs sources de financement, mais aussi son action militaire. La lutte contre le terrorisme est à la fois militaire, éducative, culturelle, morale, a-t-il ajouté.
C’est ensuite au nom d’Ousmane, « écolier à Gao », que M. Macron a parlé de la lutte contre le terrorisme et de la situation générale au Mali et au Sahel, région où « nous sommes tous aujourd’hui engagés », avec notamment la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Il a rappelé le soutien de la France à la Force conjointe du G5 Sahel dès l’origine et lancé un appel à une mobilisation collective, avant d’annoncer son intention de s’investir « dans le renforcement du soutien aux opérations de maintien de la paix africaines ». Il faut repenser collectivement l’articulation entre maintien de la paix, organisations régionales et pays hôtes, a estimé M. Macron, qui a insisté dans le cas du Mali sur la réponse politique que représente la mise en œuvre de l’Accord d’Alger.
Au nom de Kouame, un jeune migrant africain qui a traversé la Méditerranée après s’être mis en Libye aux mains de passeurs, M. Macron a estimé que le réfugié, le déplacé, le migrant, était devenu « le symbole de notre époque ». Il a appelé à transformer les « routes de la nécessité » par des « routes de la liberté ».
Il a cité comme cause de migration le « nettoyage ethnique » dont sont victimes les Rohingya du Myanmar, annonçant une initiative sur ce point au Conseil de sécurité ou encore l’instrumentalisation du droit international humanitaire, comme en Syrie.
La protection des réfugiés est un « devoir moral et politique » et la France entend jouer son rôle, notamment en soutenant partout où il doit intervenir le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
La France consacrera 0,55% de son PIB à l’aide publique au développement d’ici à cinq ans, a annoncé le Président Macron, qui a aussi demandé que cette aide soit plus innovante et plus responsable, et qu’elle investisse dans les domaines prioritaires et de l’éducation, ainsi que dans la promotion des femmes et dans la culture.
Il a jugé essentiel le rôle de l’UNESCO « pour conserver au monde un visage humain » et demandé par ailleurs que soit créé un poste de représentant spécial du Secrétaire général pour la protection des journalistes dans le monde.
Au nom de Jules, Français vivant sur l’île de Saint-Martin récemment ravagée par l’ouragan Irma, M. Macron a rappelé que « l’avenir du monde, c’est celui de notre planète, qui est en train de se venger des hommes ». « La nature nous rappelle à l’ordre; elle ne négociera pas », a averti le Président, pour qui il revient à l’humanité de se défendre en la protégeant.
Rappelant que les changements climatiques faisaient « voler en éclat l’opposition traditionnelle entre Nord et Sud », il a fait observer que les premières victimes sont toujours les plus fragiles.
M. Macron a ensuite fait longuement l’éloge de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. La France a obtenu un accord universel à Paris, il nous lie, « il ne sera pas renégocié », a averti le Président, pour qui « le détricoter serait détruire un pacte non seulement entre les États mais entre les générations ».
L’Accord « pourra être enrichi de nouvelles contributions, mais nous ne reculerons pas », a-t-il insisté, tout en disant respecter profondément la position des États-Unis, « avec qui la porte sera toujours ouverte ». « Nous avons pour nous la force des pionniers, l’endurance, la certitude et l’énergie de ceux qui veulent construire un monde meilleur », s’est-il enflammé.
M. Macron a en outre confirmé que la France allouerait 5 milliards d’euros par an à l’action sur le climat d’ici à 2020 et annoncé qu’aujourd’hui même elle présenterait un pacte pour l’environnement « dont l’ambition sera de forger le droit international du siècle qui vient avec l’appui des agences de l’ONU ».
Le Président français s’est ensuite lancé dans un long et vibrant plaidoyer en faveur du multilatéralisme. Dans un « monde redevenu multipolaire », il nous faut « réapprendre la complexité du dialogue mais aussi sa fécondité », a-t-il insisté.
Prenant acte de la « responsabilité particulière » de la France en Libye, le Président a promis de mettre « toute son énergie » pour assurer le retour de la stabilité dans ce pays à l’occasion des élections de 2018.
M. Macron a ensuite cité deux situations dans lesquelles le multilatéralisme était mis à l’épreuve et ne parvenait pas à conjurer les menaces. Face à la « surenchère acharnée » de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), dont les dirigeants « ne donnent aucun signe d’une volonté de négocier », la France refusera toute escalade et ne fermera aucune porte au dialogue, à condition toutefois que les conditions soient réunies pour que ce dialogue soit utile à la paix.
C’est aussi la raison pour laquelle la France défendra le Plan d’action global commun conclu avec la République islamique d’Iran en 2015, qu’elle juge « solide, robuste et vérifiable ». Dénoncer celui-ci sans rien proposer à la place serait « une lourde erreur et ne pas le respecter serait irresponsable », a averti le Président Macron, qui a ajouté l’avoir « dit hier aux États-Unis et à l’Iran ».
Pour lui, il serait en revanche utile de compléter l’accord existant « par un travail encadrant l’activité balistique de l’Iran et la situation après 2025 », que ne couvre pas l’Accord. « Soyons plus exigeants mais ne détricotons pas ce qui a été fait », a-t-il plaidé.
Pour que le multilatéralisme survive à l’actuelle « période de doute et de dangers », M. Macron a invité les dirigeants à se souvenir de l’état du monde voici 70 ans, brisé par la guerre et stupéfait par les génocides » et à retrouver l’optimisme alors opposé à ces raisons de douter.
Le multilatéralisme est « la méthode la plus efficace face aux défis globaux, c’est la concrétisation d’une vision du monde qui nous protège seule de la loi du plus fort, c’est la règle de droit en acte », s’est enflammé le Président français.
Pour M. Macron, si le multilatéralisme a été décrié, c’est qu’on a « laissé s’installer l’idée qu’il s’agit un sport confortable pour diplomates assis », qu’on a laissé crier qu’on était plus forts quand on agissait unilatéralement, mais aussi qu’on a traîné à régler les programmes du monde, comme les changements climatiques ou les inégalités résultant d’un capitalisme déréglé.
« Par langueur, par oubli de l’histoire, nous avons laissé s’installer l’idée qu’on est plus fort hors du multilatéralisme », a-t-il déploré, alors que « rien n’est plus efficace » que ce dernier, car tous nos défis sont mondiaux.
« C’est par le multilatéralisme que nous pourrons concrétiser nos visions du monde. Sinon, nous abandonnons l’universalité de nos valeurs. Le multilatéralisme, c’est ce qui fait la paix dans la durée, a encore insisté le Président, pour qui le monde a plus que jamais besoin de ce « refuge pour gens intelligents ».
C’est pourquoi la France soutient pleinement le projet de réformes des Nations Unies présenté par le Secrétaire général. Pour M. Macron, il faut une ONU « plus responsable et plus agile », qui « sorte de ses bureaux » et se donne les moyens de sortir de ses propres blocages quand des centaines de milliers de vies sont en jeu.
En ce sens, M. Macron a rappelé que la France préconise un Conseil de sécurité qui puisse prendre des décisions efficaces, notamment en excluant le droit de veto quand des atrocités de masse sont commises.
« Les voix que j’ai voulu porter ce jour ne peuvent résonner que dans une enceinte comme celle-ci, a estimé M. Macron. Ne pas écouter la voix des opprimés et des victimes, c’est laisser leur malheur grandir, prospérer jusqu’au jour où il nous frappera tous, a encore insisté le Président, pour qui « ce ne sont pas les murs qui nous protègent, c’est notre volonté d’agir, c’est notre souveraineté, et l’exercice souverain de nos forces au service du progrès ».
Contre le renoncement et l’échec, le Président français a répété la nécessité d’un multilatéralisme « fort et responsable ». C’est la responsabilité de notre génération, qui « n’a pas le choix car elle doit travailler pour aujourd’hui et pour demain », a-t-il conclu.
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