Déclaration
Résumé
M. EMMANUEL MACRON, Président de la France, a rappelé que les participants au débat étaient les « héritiers d’un formidable espoir » et que les Nations Unies avaient « eu des résultats »: la diffusion des droits de l’homme, le développement du commerce et de la prospérité, le recul de la pauvreté. Mais il a aussi appelé à regarder « avec lucidité » la « crise profonde de l’ordre international westphalien », constatant que les dérives climatiques, économiques, financières ou environnementales n’avaient « pas trouvé de réponse ». Née d’une espérance, l’ONU « peut devenir comme la Société des Nations avant elle, le symbole d’une impuissance », a averti M. Macron, pour qui « les responsables de ce délitement sont ici, ce sont les dirigeants que nous sommes ».
Face à cette situation, le Président a dit voir trois voies possibles. La première consisterait à penser qu’il ne s’agit que d’un « moment », « une parenthèse » avant un retour à la normale. Mais il a dit ne pas y croire, voyant dans la crise actuelle « l’expression de notre insuffisance passée ».
Une deuxième voie serait « la voie du plus fort, la tentation de chacun de suivre sa propre voie ». Mais pour M. Macron, l’unilatéralisme « nous conduit directement au repli et au conflit, à la confrontation généralisée de tous contre tous », et nuit à chacun et même, à terme, à « celui qui se croit le plus fort ». La loi du plus fort ne protège aucun peuple contre quelque menace que ce soit, a insisté le Président, qui a dit à plusieurs reprises « ne pas y croire », « quand bien même elle s’habillerait d’une forme de légitimité là où elle a perdu toute forme de légalité ».
M. Macron a cité plusieurs exemples à cet égard, et en premier lieu celui de l’Iran. Pour lui, ce qui a permis de redresser la situation avec l’Iran, qui a stoppé la voie vers le nucléaire militaire, « c’est l’Accord de Vienne de 2015 ». Il a donc plaidé pour un accord « plus vaste », qui prenne en compte « tous les problèmes résultant des politiques iraniennes ». De même, pour régler les déséquilibres commerciaux, il faut des règles communes et « en aucun cas un traitement bilatéral de tous nos différends commerciaux et un nouveau protectionnisme, a martelé le Président. Autre exemple, M. Macron a dénoncé, dans le conflit israélo-palestinien, les solutions unilatérales, affirmant qu’il n’existe pas d’alternative crédible à la solution des deux États, et appelant Israël à renoncer à la « politique du fait accompli, qui menace la possibilité même d’aboutir à un accord de paix ». Il s’est dit en revanche prêt à « sortir des dogmes » et à prendre de nouvelles initiatives.
M. Macron s’est donc prononcé pour une troisième voie, « sans doute la plus difficile, la plus exigeante », qui consiste à « trouver ensemble un nouvel équilibre mondial, à forger ensemble un nouveau modèle ». Rappelant les diverses étapes qu’a connues le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, M. Macron, face à la nouvelle instabilité du monde, a plaidé pour un nouvel équilibre reposant sur de nouvelles formes de coopération régionale et internationale. Il a présenté en ce sens trois principes: le respect des souverainetés, principe qui se trouve « au fondement de la Charte », le renforcement de la coopération régionale et la fourniture de garanties et sauvegardes internationales plus solides.
« Je ne crois pas en un grand peuple mondialisé; ça n’existe pas », a affirmé M. Macron. En revanche, face aux « défis démographique, climatique et numérique », il a dit sa foi en des valeurs universelles, « à la défense non négociable de nos valeurs », comme l’égalité des individus ou l’égalité entre les sexes. De même, a-t-il plaidé, les droits de l’homme « ne sont pas un fait culturel, mais un corpus juridique consacré par les traités internationaux ». Pour M. Macron, leur universalité n’est pas contraire à la souveraineté des peuples.
Disant croire profondément à la souveraineté des peuples et, dans le même temps, à une coopération renforcée aux formes multiples et à une légitimité renouvelée des Nations Unies, le Président a cité plusieurs exemples liés aux conflits, en premier lieu la Syrie, où la solution devra être soutenue par les États garants du processus d’Astana, d’autres États régionaux ou autres, sous l’égide des Nations Unies. De même, face au terrorisme, « nous sommes forts quand les États peuvent compter sur leurs propres forces et s’appuyer sur des formes de coopération régionale », a poursuivi le Président, qui a cité comme modèles les forces conjointes mises en place au Sahel et dans la région du bassin du lac Tchad.
À cet égard, il a plaidé pour une meilleure articulation des actions de l’ONU et de l’Union africaine et souhaité l’adoption en ce sens d’une résolution du Conseil de sécurité avant la fin de l’année. Citant encore les premiers résultats de l’Alliance pour le Sahel pour « lutter contre les racines du désespoir qui ont permis aux terroristes de capturer les âmes », il a insisté sur « les principes de la souveraineté des peuples, de l’engagement régional et d’un vrai soutien de la communauté internationale ».
De même, M. Macron a dit ne pas croire au « discours d’ouverture inconditionnelle » face aux flux migratoires, mais pas davantage au « discours mensonger de ceux, en Europe ou ailleurs », qui affirment que leurs peuples seront mieux abrités derrière des murs. Il s’est donc prononcé pour des mobilités internationales « choisies et non subies », tout en appelant à s’attaquer aux causes profondes des migrations subies et à démanteler les réseaux de trafiquants, avant de rappeler le soutien de la France au Pacte mondial sur les migrations.
« Je ne laisserai en rien le principe de souveraineté des peuples dans les mains des nationalistes, qui veulent utiliser le principe de souveraineté des peuples pour porter atteinte à nos valeurs », a martelé le Président français, pour qui il faut « restaurer un multilatéralisme fort, réellement capable de régler les conflits mais aussi de s’attaquer aux causes » des dérèglements et des déséquilibres.
« Qu’est-ce qui fait renaître les nationalismes? Le doute sur notre Assemblée, les crises que nous n’avons pas su régler », a répondu M. Macron, qui a appelé à regarder ensemble et en face les failles de l’ordre international. Pour lui, nous n’avons pas vraiment apporté une réponse aux laissés-pour-compte de la mondialisation ni remédié à l’hyperconcentration des richesses. Or, « nous devons une réponse » aux 265 millions d’enfants qui n’ont pas accès à l’école, aux 700 millions d’enfants qui vivent dans les régions les plus exposées aux changements climatiques, aux 200 millions de femmes qui n’ont pas accès à la contraception, au milliard de femmes qui ne sont pas protégées par la loi en cas de violences conjugales, ainsi qu’aux aspirations de la jeunesse, a poursuivi le Président.
Si beaucoup de progrès ont permis de réduire les inégalités, le combat est loin d’être achevé, a insisté le Président, qui a annoncé une série d’initiatives et de mesures. Ainsi, a-t-il déclaré, la France augmentera son aide au développement d’un milliard dès 2019 et ses crédits humanitaires de 40%. En outre, la lutte contre les inégalités sera la priorité de la présidence française du G7 en 2019. Le Président compte, lors du prochain débat général, rendre compte des résultats du Sommet du G7 qui se tiendra peu avant à Biarritz.
M. Macron a également dit vouloir s’attaquer aux « inégalités de destins », dans lesquelles il voit une « aberration morale ». Se félicitant des résultats de la conférence mondiale pour le financement de l’éducation tenue à Dakar l’an dernier, il a appelé à un grand élan mondial pour l’éducation, présentée comme « un pilier, avec la santé, des sociétés du XXIe siècle ». De même, il a souhaité faire de l’égalité de genre une grande cause mondiale, comme il l’a fait en France pour la durée de son quinquennat, et a annoncé que 50% de l’aide au développement de la France irait à des projets en ce sens. Il a également annoncé diverses initiatives dans le domaine de la santé.
M. Macron a appelé à lutter contre les urgences environnementales, un combat qui doit nous rassembler ». Même ceux qui en contestent la réalité en subissent les conséquences; en affaiblissant l’action collective, certains ne font que s’exposer davantage eux-mêmes, a-t-il averti.
À cet égard, « la décomposition annoncée de l’Accord de Paris a été déjouée », a affirmé le Président, car, « malgré la décision des États-Unis, nous avons su rester unis ». Il a ainsi rappelé la tenue du Sommet One Planet en décembre dernier et la création de l’Alliance solaire internationale à New Dehli. « Accélérons le mouvement », a-t-il ensuite lancé, appelant à conclure en 2020 un pacte mondial pour un environnement ambitieux. Il a aussi suggéré de ne plus signer d’accords commerciaux avec les puissances qui ne respectent pas l’Accord de Paris et de mobiliser les fonds souverains pour une politique « à bas carbone ». La France continuera d’exercer avec tous ceux qui le veulent le leadership, a encore affirmé M. Macron, qui a averti: « Si un membre ne veut pas avancer, nous avancerons quand même, avec d’autres partenaires ».
La défiance, les tentations de repli, se nourrissent des inégalités et de notre incapacité collective à y répondre avec efficacité, a répété le Président, qui a dénoncé tant la tentation de « toujours s’aligner vers le bas, comme nous l’avons fait depuis des décennies » que celle du repli protectionniste, qui ne fait qu’accroître les tensions sans rien régler des inégalités profondes. Le Président a ensuite proposé une réforme en profondeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la mise en place d’un système dont le G7 réformé serait le moteur, avec l’appui de l’ONU et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il a aussi appelé à une plus grande participation des grands acteurs non étatiques privés, comme les géants d’Internet, qui « contribuent à changer le monde mais ne participent pas assez à la lutte contre les inégalités ». Il a enfin demandé que toute sa place soit faite à l’Afrique.
Alors que notre système collectif se fracture, nous n’en avons jamais tant eu besoin, a déclaré M. Macron, qui a cité en ce sens l’UNESCO, le Conseil des droits de l’homme, la CPI et l’UNRWA, précisant que ce dernier visait avant tout à éduquer des enfants et annonçant que la France augmenterait sa contribution. Enfin, rappelant que la capacité des Nations Unies à répondre ensemble était trop souvent entravée par les divisions du Conseil de sécurité, il a réaffirmé le soutien de la France à l’élargissement de cet organe dans ses deux catégories de membres ainsi que son souhait de voir encadrer l’exercice du droit de veto en cas d’atrocités de masse.
« Beaucoup peuvent être fatigués du multilatéralisme, a reconnu M. Macron avant de conclure, et dans un monde où dire les pires choses peut être à la mode, défendre le multilatéralisme peut ne plus être à la mode ». « Mais ne soyons pas à la mode », a-t-il suggéré, car « les génocides qui ont fait que vous êtes là aujourd’hui ont été nourris par les succès d’estrade que nous applaudissons ». « Non, je ne m’y résous pas; Ne vous habituez pas; n’acceptez pas ces formes d’unilatéralisme », a encore lancé le Président, affirmant avoir « l’universalisme chevillé au corps ». « Le fracas du nationalisme conduit toujours vers l’abîme et les ressentiments accumulés face à l’ordre international peuvent conduire deux fois dans une vie humaine à un déchainement mondial de la violence », référence aux deux guerres mondiales du XXe siècle, a-t-il averti.
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