Déclaration
Résumé
M. LUIS INÁCIO LULA DA SILVA, Président du Brésil, a déclaré que trois périls liés entre eux menacent notre planète à savoir, la crise économique et financière actuelle, l’absence d’une gouvernance mondiale stable et représentative et la menace que font peser les changements climatiques sur nos vies. M. Lula a rappelé que, l’an dernier à cette même tribune, il avait déclaré que l’Histoire ne nous pardonnerait jamais de ne traiter que des conséquences de la crise qui venait de commencer et non de ses causes. Plus qu’une crise des grandes banques, cette crise est la crise des grands dogmes, a-t-il affirmé.
Le Président a dénoncé la « doctrine absurde » selon laquelle les marchés pourraient s’autoréguler sans intervention prétendument « intrusive » des États et celle de la liberté absolue du capital financier, « libre de toute transparence financière et échappant au contrôle des populations et des institutions ». Il a dénoncé les tenants de la doctrine d’un État faible, minimal, incapable de promouvoir le développement et de combattre la pauvreté et les inégalités, diabolisant les politiques sociales, obsédé par des conditions de travail précaires et une marchandisation des services publics.
La cause réelle de la crise a été la confiscation de la souveraineté des peuples et des nations au profit des réseaux de pouvoir et des richesses, a affirmé M. Lula, pour qui il appartient aux dirigeants, et non à d’arrogants technocrates de mettre fin à ce désordre. Le contrôle de la crise ne peut être laissé à la petite minorité habituelle, a poursuivi le Président du Brésil, qui a rappelé que les pays développés s’étaient révélés incapables de prévoir la catastrophe et plus encore de l’empêcher. Il est injuste que le prix de la spéculation soit payé par les travailleurs et les pauvres des pays en développement qui n’ont rien à y voir, a-t-il ajouté.
M. Lula a qualifié d’« irresponsable » « la connivence » dans certains secteurs du fait que le système économique ne s’est pas totalement effondré. Il a constaté une « énorme résistance » contre l’adoption de mécanisme de régulation des marchés financiers. Les pays riches, a-t-il accusé, renoncent aux réformes du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Le Président a dit ne pas non plus comprendre la paralysie du Cycle de Doha, dont les résultats, selon lui, bénéficieraient surtout aux pays pauvres. Il a aussi dénoncé les signes troublants d’un retour au protectionnisme.
M. Lula s’est félicité que son pays, qui a été l’un des derniers à être frappé par la crise, soit l’un des premiers à en sortir. Il n’y a là rien de magique, a-t-il affirmé, avant d’expliquer que son pays avait simplement veillé à ce que son système financier ne soit pas contaminé par le virus de la spéculation. Bien avant la crise, le pays avait pris soin de prendre des mesures anticycliques en renforçant par exemple ses politiques sociales, en augmentant les salaires au-delà des taux d’inflation et en stimulant la demande. Le Brésil a, comme d’autres, ainsi démontré qu’en temps de crise, nous pouvons poursuivre à la fois des politiques sociales et de développement.
Toutefois, a ajouté M. Lula, nous ne résoudrons pas tous nos problèmes seuls dans une économie mondialisée. Il a rappelé que, dans de nombreuses réunions y compris celles du G-20, il avait insisté sur la nécessité de fournir au monde du crédit. Il a plaidé pour que les pays pauvres accroissent leur participation et leur contrôle sur le FMI.
Nous ne pouvons plus, 60 ans après leur création, être gouvernés par les mêmes règles et valeurs qui prévalaient à Bretton Woods, a affirmé M. Lula, qui a également plaidé en faveur d’un changement de structure aux Nations Unies et au Conseil de sécurité. Estimant que nous nous dirigeons vers un monde multipolaire, il a affirmé que ce dernier n’entrerait pas en conflit avec les Nations Unies mais pourrait au contraire les revitaliser, afin qu’elles aient l’autorité de résoudre les problèmes du Moyen-Orient, de faire face au terrorisme sans tomber dans le choc des civilisations, de promouvoir les droits de l’homme et de prendre des initiatives pour protéger l’environnement et pour favoriser le renouveau de l’Afrique en cours.
Ce ne sont pas là des propos de rêveur, a affirmé M. Lula, qui a toutefois affirmé qu’il faudra de la volonté politique pour surmonter les situations qui conspirent contre la paix, le développement et la démocratie, pour mettre fin à l’embargo contre Cuba ou pour empêcher des coups d’État tels que celui qui a renversé le Président du Honduras. À ce propos, M. Lula a dit que la communauté internationale « exige le retour immédiat de M. Zelaya comme Président de son pays ».
M. Lula a enfin rappelé que tous les pays doivent agir contre les changements climatiques, et s’est dit affligé par les réticences des pays développés à porter leur part du fardeau. Nous ne pouvons pas imposer aux pays en développement des charges qui ne sont pas uniquement les leurs, a-t-il ajouté, avant d’affirmer que le Brésil jouera son rôle et arrivera à Copenhague avec des engagements précis et chiffrés pour limiter la déforestation et réduire les émissions de gaz carbonique.
Il a ensuite défendu la production d’éthanol par son pays, affirmant que les biocarburants choisis, contrairement à d’autres, ne portent pas atteinte à la sécurité alimentaire. Il a également affirmé que les récentes découvertes de pétrole qui vont faire du Brésil un producteur majeur d’hydrocarbure, ne feront pas abandonner au pays son programme environnemental, bien au contraire.
La crise économique et financière, les changements climatiques et la gouvernance mondiale ont pour dénominateur commun la nécessité de construire un nouvel ordre international durable, multilatéral et moins asymétrique, débarrassé des hégémonies et dirigé démocratiquement, a résumé M. Lula, qui a qualifié l’édification de ce nouveau monde « d’impératif à la fois politique et moral ». Le Président a conclu que le monde ne peut se contenter de balayer les débris de ses échecs; il doit être « la sage-femme » de l’avenir.
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