Déclaration
Résumé
M. SERGEY V. LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a déclaré que la coopération au sein de l’ONU est particulièrement pertinente maintenant que le nombre des problèmes internationaux augmente, les menaces transfrontalières se multiplient et de nombreuses tensions ont un réel potentiel de déstabiliser des régions. Le Ministre a dénoncé la tendance à privilégier « le droit à la force » au lieu de « la force du droit ». Entre les grandes puissances, il n’y a aucun consensus sur les principes de l’ordre international.
Le Ministre a critiqué les tentatives persistantes de diminuer le rôle de l’ONU dans le règlement des problèmes actuels, de la pousser sur le côté ou d’en faire un instrument au service des intérêts égoïstes d’une poignée de pays. Ces tentatives s’inscrivent clairement dans le prétendu concept d’« un ordre fondé sur des règles » que l’Occident ne cesse de mettre en avant dans ses discours politiques par opposition au droit international. La Charte est certes une série de règles mais, a fait observer le Ministre, elles ont été acceptées par tous les pays du monde. En conséquence, toute nouvelle règle régissant les relations internationales doit être agréée par les plateformes internationales et surtout par l’ONU. Quand elles sont établies derrière des portes closes, elles ne peuvent pas, a martelé le Ministre, prétendre à une légitimité globale.
Par cette façon de faire, l’Occident veut tout simplement exclure ce qui ont d’autres points de vue du processus mondial de prise de décision. L’Allemagne et la France viennent d’annoncer la création de l’« Alliance du multilatéralisme », alors qu’il n’est rien de plus multilatérale que l’ONU. Berlin et Paris semblent donc penser qu’il y a trop de « conservateurs » au sein de l’Organisation, qui combattent les efforts des « avant-gardistes ». Ils proclament d’ailleurs que l’Union européenne est l’emblème même d’un « multilatéralisme effectif ». Dans la même veine, le Ministre a critiqué l’idée de l’Administration américaine de convoquer un « Sommet de la démocratie », laquelle idée, s’inscrit, a fait remarquer le Ministre, dans l’esprit de la guerre froide puisqu’il s’agit d’une nouvelle croisade contre les dissidents. Ce « Sommet » constituera un autre pas vers la division de la communauté internationale, c’est à dire, « eux et nous ».
L’ordre fondé sur des règles souffre des deux poids, deux mesures, a poursuivi le Ministre. Quand il sert les intérêts de l’Occident, le droit à l’autodétermination devient « absolu », comme en témoigne la situation au Kosovo ou aux Îles Malvinas. Mais quand l’exercice de ce droit va à l’encontre de ses intérêts, comme en Crimée, l’Occident recourt à des sanctions. L’ordre fondé sur des règles est également invoqué pour Cuba, le Venezuela ou le Nicaragua. Privilégier cet ordre au détriment du respect inconditionnel du droit international peut nous ramener à l’époque des blocs mais cette fois, le bloc de l’Occident et celui du reste du monde. Réjouissons-nous, a dit le Ministre, que plusieurs médias dans le monde aient justement perçu dans la vente des sous-marins à l’Australie par les États-Unis une riposte aux discussions sur l’« autonomie stratégique » de l’Europe, après le retrait « hâtif » des troupes américaines d’Afghanistan.
Face aux conflits mondiaux, a poursuivi le Ministre, le monde a besoin d’unité plutôt que de division. L’ONU et son Conseil de sécurité doivent donc s’adapter à la réalité d’un ordre mondial polycentrique et accroître la représentation de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine. Le Ministre a rappelé la proposition de son président de convoquer un sommet des cinq membres permanents du Conseil sur les questions de stabilité mondiale. En attendant, il a rappelé l’accord de principe sur un dialogue russo-américain sur le contrôle des armes. Mais il faut également des approches « responsables » dans d’autres domaines de la stabilité stratégique. Il a dit attendre depuis longtemps la réponse des États membres de l’OTAN à l’engagement russe de ne pas déployer de missiles dans les régions où les États n’en déploieraient pas.
Le Ministre a ensuite attiré l’attention sur la menace que constitue la militarisation d’Internet et la course au « cyberarmement ». Il a une nouvelle fois plaidé pour une plateforme de l’ONU chargée de la sécurité de l’information pour avancer vers un comportement et une utilisation « responsables » des nouvelles technologies et vers une convention sur la lutte contre la cybercriminalité. S’agissant de l’espace extra-atmosphérique, le Ministre a affirmé que le projet de traité que son pays a élaboré avec la Chine est toujours sur la table.
Vingt ans après les horribles attaques terroristes à New York, a-t-il poursuivi, le Président Vladimir V. Poutin n’a cessé d’appeler à une coalition antiterroriste sans deux poids, deux mesures. Nous attendons, a-t-il ajouté, la réponse à notre initiative sur l’élaboration d’une convention sur la lutte contre le terrorisme chimique et biologique.
S’attardant sur la situation en Afghanistan, le Ministre a vanté le travail de la « Troïka élargie » et du Format de Moscou. Il a aussi cité le Processus d’Astana pour la Syrie et les efforts de son pays pour accélérer les réformes politiques en Libye. Le Ministre a également milité pour la relance de négociations directes entre les Israéliens et les Palestiniens, grâce à un Quatuor redynamisé qui travaillerait en coordination avec la Ligue des États arabes. Quant à la normalisation des relations entre l’Iran et ses voisins arabes, le Ministre a dit attendre la reprise de la pleine mise en œuvre du Plan d’action global commun. Il faut une approche holistique, a-t-il ajouté, et c’est le sens du Concept russe actualisé sur la sécurité collective dans le golfe Persique. Le Ministre a aussi souhaité le plein succès de la Conférence mondiale sur le dialogue interculturel et interconfessionnel prévue à Saint Petersburg, du 16 au 18 mai 2022.
Soulignant l’importance des dimensions humanitaire, socioéconomique et environnementale du travail de l’ONU, le Ministre a mis en garde contre la tentation de les transformer elles aussi en un champ « de jeux politiques et de concurrence déloyale ». Nous sommes tous sur le même bateau, a conclu le Ministre. Nous sommes tous différents mais ces différences ne sauraient nous empêcher de travailler pour le bien de nos nations et de l’humanité tout entière, a souligné le Ministre, en proposant le hashtag #UNCharterIsOurRules.